Bleu

Nous sommes partis de Vero Beach à l’aube ce matin pour parcourir les 62 miles nautiques qui nous séparaient de Lake Worth. Ça faisait longtemps que nous n’avions pas vu le soleil se lever et il était franchement temps; autant pour nous que pour M! Après douze jours d’immobilité le loch n’indique plus la vitesse sur l’eau et la girouette n’indique plus la direction du vent. Une combinaison gagnante algues-araignées dont il faudra s’occuper une fois arrivés à Miami. En espérant que la partie araignée se résolve par elle-même en chemin… Je n’ai pas particulièrement envie de rencontrer l’auteure de toiles aussi résistantes.

Quelques milles avant le Fort Pierce North Bascule Bridge, qui devait d’ailleurs être notre dernier pont avant plusieurs mois, l’eau a tranquillement délaissé son brun opaque des derniers mois pour prendre une teinte d’émeraude. Enfin, le sud! Toute la journée, les teintes de bleu se sont succédées. Mon vocabulaire de couleurs n’est présentement pas assez vaste pour décrire toutes les nuances que nous avons observées aujourd’hui. Nous étions subjugués par le spectacle que nous offrait l’Atlantique et par la rapidité à laquelle les couleurs se succèdent. Bleu acier, aquamarine, indigo, turquoise, bleu électrique… Dire que de l’eau, à la base, c’est transparent.

Nous sommes donc sortis en mer à Fort Pierce environ deux heures après le flot. Je n’ai jamais été aussi heureuse que M soit équipée du moteur optionnel. Il s’agit là d’une excellente décision de la part de ses propriétaires d’origine! Par le temps où nous sommes finalement sortis de la passe, nous faisions tout juste 3,5 nœuds sur le fond. Pour le même régime moteur, nous avançons généralement à 6,5 nœuds. Puisque nous n’avons aucun contrôle sur l’ensoleillement et que nous avions besoin de chaque minute pour nous rendre à destination; combattre 3 nœuds de courant sur une distance de deux milles semblaient être un bon compromis.

Si nous savions que nous aurions à affronter le courant pour sortir de Fort Pierce, ce que nous avons rencontré près de Jupiter Island nous a laissé perplexes. M avançait très bien sous moteur, avec une houle portante, pas de vague et à peine 7 nœuds de vent du sud. Puis tout juste passé Jupiter Island, elle s’est mise à ralentir et ralentir et ralentir… nous avons perdu 1,5 noeuds en moins d’une minute. Nous étions toujours à 2,5 miles au large avec la même houle, le même vent, le même régime moteur… Comment pouvions-nous avoir autant de courant?

Quelques minutes de réflexion et nous en sommes venus à la conclusion que nous avions droit à un aperçu, relativement faible, du Gulfstream. Grâce à Google et à la NOAA, nous avons appris que le mur ouest du courant océanique était situé à 5 miles au large de Jupiter Island et à 5 miles au large de Lake Worth Inlet aujourd’hui… Merci Internet! Le Gulfstream se déplace d’une journée à l’autre et vient parfois plus près des côtes que d’ordinaire. En bons touristes que nous sommes, nous n’avions jamais considéré que nous pourrions être affectés aussi près de la côte… Les derniers bulletins de la NOAA que j’avais consultés mettaient le mur ouest à un peu plus de 16 miles des côtes.

Nous avons donc mis le cap à l’ouest et c’est à 0,6 miles de la plage que nous avons poursuivi notre route. Nous avions encore un peu plus d’un demi nœud de courant, mais c’était une amélioration certaine. S’il y avait eu un chien sur le sable, j’aurais pu vous dire de quelle couleur il était. Ce n’était certainement pas confortable de longer la côte d’aussi près, mais nos options étaient limités : à 1730h le soleil se couche peu importe où nous sommes!

Notre découverte d’aujourd’hui nous a fait reconsidérer nos plans pour demain. Nous avions prévu rallier Miami en un peu plus de onze heures, quitte à partir un peu avant le levé du soleil, mais puisqu’il ne nous est plus possible de faire des prévisions quand à notre vitesse, nous opterons pour le plan B. Nous prendrons l’Intracoastal jusqu’à Fort Lauderdale avec ses dix-sept ponts à horaires fixes. Un calvaire si vous voulez mon avis, mais la raison dit que c’est préférable à se retrouver sur la côte avec 1,5 nœuds ou 2 nœuds de courant dans le nez et plus de soleil pour nous éclairer.

Ce qui nous étonne le plus est que ni les cartes, ni les guides ne mentionnent la présence de ce courant aussi près des côtes de la Floride. Mais en y passant un peu, le Gulfstream ne peut pas remonter vers le nord à une vitesse de 3 nœuds à 5 miles au large et disparaitre complètement à 4,9 milles, juste de l’autre côté de la ligne imaginaire… Nous aurons au moins découvert quelque chose aujourd’hui!

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